Rémunération Équitable : une source de revenus inconnue des artistes

Des milliers d'artistes ignorent ce qu'est la Rémunération équitable et passent à côté d'une source de revenus qui peut être très importante.
PDF
Bienvenue à toi
Bienvenue à toi

Je suis Jennifer ESKIDJIAN
Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

Demande à 30 artistes que tu connais et qui veulent devenir professionnels, voire qui le sont déjà : “C’est quoi la Rémunération équitable ?”

Et attends.

Attends.

Eh bien, il y a de fortes chances pour que tu attendes longtemps. Très longtemps.

Bouh. Je suis méchante !

Non, en fait, je suis super gentille. Parce que je vais essayer de t’expliquer simplement ce que c’est que la Rémunération équitable.

Et surtout, pourquoi tu dois ABSOLUMENT savoir ce que c’est en tant qu’artiste, manager ou en tant que producteur.

 

[Dernières Mises à jour : Janvier 2021 ~ Novembre 2022]

Comprendre l’origine : le droit d’autoriser la diffusion de son travail

Je ne veux pas trop entrer dans le détail dans cet article pour ne pas l’alourdir.

MAIS, si tu n’es pas familier avec le Droit de la musique, voici quelques éléments pour t’aider à comprendre.

En France, depuis 1985, une loi (la “loi Lang”) accorde aux artistes-interprètes et aux producteurs d’enregistrements musicaux ce qu’on appelle des “DROITS VOISINS”.

C’est comme les droits d’auteur, mais là c’est pour les artistes et les producteurs.

Ça veut dire que, dorénavant, l’interprète doit donner son autorisation pour la diffusion des enregistrements auxquels il a participé. Et surtout il peut le faire contre une rémunération.

Pareil pour le producteur musical (qu’on appelle dans le jargon “producteur phonographique“) qui doit donner son autorisation pour la diffusion des enregistrements qu’il a financés.

Les droits voisins des artistes-interprètes

L’artiste-interprète doit donc donner son autorisation pour l’exploitation de son interprétation.

Il a le droit d’autoriser (ou d’interdire) :

l’enregistrement de sa prestation (= sur supports audio ou vidéo…)

la communication au public de sa prestation (= vente dans le commerce, diffusion par la radio, télévision, dans les lieux publics…)

Par conséquent, chaque fois qu’une personne voudra exploiter ou diffuser une prestation de l’artiste-interprète, il devra obtenir l’AUTORISATION ÉCRITE de celui-ci.

Ça veut dire qu’en principe on ne peut pas diffuser un enregistrement sur lequel on entend l’interprétation d’un artiste (une voix, un instrument) sans son autorisation formelle.

Et s’ils sont 5, 10 ou 25 artistes, il faudra autant d’autorisations.

ET SURTOUT. SURTOUT.

L’artiste bénéficie d’un droit à être payé pour chaque diffusion qui sera faite de son travail.

C’est ça le concept et l’intérêt des droits voisins : c’est un droit d’être payé pour la diffusion de son travail.

Ainsi, il peut se faire payer sur chaque diffusion de ses interprétations (donc enregistrées, que ce soit sur format audio ou vidéo)

Si ce n’est pas déjà fait, je te conseille de lire l’article sur les droits des artistes-interprètes.

Les droits voisins des producteurs phonographiques

Tout comme le compositeur est propriétaire des droits sur l’oeuvre qu’il a composée, que l’artiste est propriétaire des droits sur son interprétation, le producteur, lui, est propriétaire des droits sur l’enregistrement (le master).

La loi considère en effet le producteur comme le propriétaire de l’enregistrement qu’il a financé.

C’est pour ça qu’en 1985, la loi a accordé également aux producteurs phonographiques des DROITS VOISINS sur leur enregistrement.

Conséquences ?

Désormais un producteur phonographique peut AUTORISER ou INTERDIRE la diffusion des enregistrements dont il est propriétaire.

ET SURTOUT. SURTOUT.

Le producteur peut toucher de l’argent pour CHAQUE exploitation et diffusion de son enregistrement.

Une nouvelle source de revenus a donc été créée.

Pour en savoir un peu plus sur le producteur, tu peux lire cet article : Un Producteur phonographique : C’est Quoi exactement ?

L’exception : PAS le droit d’interdire la diffusion de ton travail

On vient de voir, juste avant, que si tu es artiste-interprète ou producteur phonographique, tu as le droit d’autoriser OU D’INTERDIRE l’utilisation de ton interprétation ou de ton enregistrement.

Mais voilà.

Il y a des exceptions.

C’est-à-dire des situations dans lesquelles on ne te demande PAS ton autorisation directement.

Donc, il y a des situations dans lesquelles tu ne peux PAS REFUSER l’utilisation de ta prestation enregistrée.

Dans quels cas ?

Diffusion à la radio, la TV et dans les lieux publics

Pour simplifier le système, la loi a décidé que lorsqu’un enregistrement est commercialisé, certaines diffusions ne peuvent plus être interdites :

  • à la radio (y compris les webradios)
  • à la télévision (y compris chaînes du câble et du satellite)
  • dans tous les lieux publics sonorisés (boutiques, restaurants, supermarchés, etc.)
  • dans les clubs et discothèques

 

Ça veut dire concrètement que : lorsqu’une radio passe ton morceau ou qu’un supermarché inclut un de tes titres dans sa playlist, ils ne demandent PAS l’autorisation ni des interprètes ni du producteur de l’enregistrement.

Mais alors ils ne touchent pas d’argent ????

En fait si.

Une compensation financière : la Rémunération équitable

En contrepartie de ce droit “perdu” (puisque on ne plus interdire la diffusion) on a décidé que les artistes et les producteurs recevront une COMPENSATION financière.

La loi a décidé que les radios, les télés, les discothèques et tous les lieux publics peuvent diffuser un enregistrement qui a été commercialisé, sans demander d’autorisation ni aux artistes ni aux producteurs.

En contrepartie, ils payent une redevance qu’on a appelé “la Rémunération équitable”.

Voici un super schéma proposé par l’Adami (infographie : Datagif) :

schéma explicatif de la rémunération équitable - site de l'adami
Clique sur l’image pour voir cette infographie sur le site de l’Adami

 

Les organismes qui gèrent la rémunération équitable

Du coup, on a créé une société pour collecter la Rémunération équitable auprès des lieux de diffusion, des radios, des télés.

Cette société, c’est la SPRÉ, la Société de Perception de la Rémunération Équitable, comme tu vois sur le schéma ci-dessus.

La Rémunération équitable est ensuite reversée à égalité entre : les producteurs phonographiques d’un côté, et les artistes-interprètes de l’autre.

 

MAIS ATTENTION : La Rémunération équitable n’est PAS versée directement aux artistes et aux producteurs. Comme tu peux le voir sur le schéma. Et c’est TRÈS IMPORTANT.

 

 

Elle est reversée à leurs sociétés de gestion collective respectives.

C’est-à-dire ?

Pour les artistes-interprètes, c’est l’ADAMI et la SPEDIDAM qui vont recevoir la Rémunération équitable. Elles vont ensuite la répartir à leurs membres.

Pour les producteurs phonographiques, c’est la SPPF ou la SCPP qui va recevoir les sommes et les répartir à leurs membres.

 

TU COMPRENDS CE QUE ÇA VEUT DIRE ??

 

Ça veut dire qu’en tant qu’artiste-interprète ou en tant que producteur : si tu n’es pas adhérent à ces organismes et que tes morceaux sont diffusés à la radio, à la télé ou dans les lieux publics : tu ne touches RIEN.

Il y a beaucoup d’artistes, même des musiciens d’accompagnement TRÈS connus, qui ont beaucoup joué, dont les titres continuent à être diffusés… et qui ne connaissent PAS la SPEDIDAM, encore moins la Rémunération équitable.

Ça veut dire quoi ?

Eh oui, comme tu l’as compris, ça veut dire qu’ils ne touchent pas l’argent qui leur est dû…

 

Tu sais donc ce qu’il te reste à faire ? 😊

 

Apprendre à se connecter au bons circuits

Tu m’entendras souvent parler du besoin de se plugger, de se raccorder aux bons circuits économiques.

Par exemple, là, pour la Rémunération équitable.

Mais pour pouvoir identifier ces circuits, ça nécessite de comprendre par où l’argent CIRCULE dans la musique.

Et c’est précisément le thème de la CIRCULATION DE L’ARGENT dans la musique qui est au coeur du cours en ligne Accord Parfait.

Pour aller plus loin :

Tu es sur le point de signer un contrat ? Tu n’es pas sûr·e de savoir poser les bonnes questions ?

J’ai rédigé un Guide de Négociation spécialement pour toi : 10 QUESTIONS à (se) poser AVANT de signer un contrat

Tu veux comprendre comment l’argent circule dans la Musique ?

Je t’accueille avec plaisir dans le COURS EN LIGNE Accord Parfait

Tu as besoin de conseils personnalisés ?

Pour faire le point sur ta situation ou décrypter un contrat que tu as reçu.

Je propose des CONSULTATIONS individuelles personnalisées.

Un peu de lecture ?

De ta Passion, tu ne vivras Point.

Mon tout premier recueil.

J’y parle d’argent, de création, de liberté, de Dieu, de complexes, d’interdictions, de fantasmes, d’erreurs, de nunchaku, de petits pois… et de passion !

Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN
Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN

Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

À Propos

Tu penses que cet article peut être utile à quelqu’un ? Tu es libre de le partager :

LinkedIn
Twitter
Facebook
Reddit
Telegram
Tu veux rester connecté ?

Si tu veux recevoir des infos, des réflexions et ressources utiles sur le droit et le business de la musique… je t’accueille avec plaisir dans la Newsletter !

Tu peux t’inscrire juste ici ►

.
Les commentaires

5 réponses

  1. Bonjour

    Merci pour les explications

    Ce que je n’ai pas saisi c’est où se situe la rémunération des droits d’auteurs entre les diffuseurs cités (radio, tv, etc…) et la Sacem. Est-ce que ces diffuseurs paient une seconde redevance à la Sacem pour les droits d’auteurs ?

    1. Bonjour Francesco,
      Les radios/TV/Lieux publics paient effectivement d’un côté les droits d’auteur à la SACEM (pour rémunérer le travail des auteurs-compositeurs) et d’un autre côté ils paient les droits voisins à la SPRÉ (pour rémunérer le travail des artistes-interprètes et des producteurs : c’est cette rémunération qu’on appelle la “Rémunération équitable”). Est-ce que ça répond à ta question ?

      1. Merci, cela répond à ma question.

        Dans mon exemple, je suis inscrit à la SPEDIDAM et à l’ADAMI depuis plusieurs années.
        À la SCPP depuis quelques mois (je ne savais pas qu’il fallait s’y inscrire pour que l’Adami puisse collecter cette base de données). J’ai bien déclaré mes sorties depuis quelques mois à la SCPP.

        ______

        email d’un échange entre l’ADAMI et moi-même :

        Pour rappel, l’ADAMI obtient les phonogrammes à partir des bases de données constituées par les sociétés des droits des producteurs (SCPP, SPPF).
        J’invite le producteur/label, ou si c’est de l’autoproduction, à régulièrement faire les déclarations des albums et des chiffres de ventes auprès de l’une des sociétés de producteur.
        Ainsi nous obtiendrons les informations nécessaires pour mettre à jour votre répertoire, et pour le calcul de vos éventuels droits d’interprète.

        Les déclarations à l’Adami sont donc pris en compte uniquement si les phonogrammes ont été déclarés au préalable auprès de la SCPP ou SPPF pour rattacher les informations de la SCPP/SPPF sur votre compte ADAMI.
        En savoir plus sur la déclaration sonore : https://www.adami.fr/aide/4819/comment-etablir-ma-declaration/ … …
        En savoir plus sur les droits gérés par l’Adami : https://www.adami.fr/aide/gestion_droits/

        _______

        Seule la SPEDIDAM me reverse quelques droits jusqu’à présent.
        Alors qu’étant producteur et possesseur des Master je pensais que la Spedidam serait la dernière à me rémunérer (je me suis déclaré à la SPEDIDAM en tant que musicien sur mes propres oeuvres).

        Je vais attendre jusqu’à un an pour voir comment cela évolue étant donné que mes déclarations SCPP sont récentes.

        D’autres par j’ai été surpris d’apprendre par la SCPP qu’elle ne collecte aucun droit provenant des diffusions des plateformes de streaming, ni de la tv câblée (certains de mes titres sont diffusés sur la chaine câblés MTV France) … …

        Cordialement
        Francesco

  2. Bonjour, quid des droits voisins sur des enregistrements réalisés avant 1985, merci pour votre réponse
    H.Vidal

    1. Merci pour ta question.

      Je n’ai pas encore fait de recherches mais je crois que tu pourras trouver des informations ici : https://musiciens.lascpa.org/ (le serveur met parfois du temps à répondre).
      Il y a des procédures de “régularisation” de droits pour les musiciens qui ont participé à des enregistrements avant 1994 (date de la publication de l’accord qui régit cette situation particulière).

      Je vais poursuivre mes recherches et j’écrirais peut-être un court article sur le sujet bientôt.

      Sinon je t’invite à poser la question directement à l’ADAMI ou la SPEDIDAM, organismes auxquels tu dois être sûrement affilié.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

D'autres articles à lire :

Est-ce légal de diffuser des sons sans avoir signé de contrat avec les musicien·ne·s ? Comment régulariser la situation ?

Lire la suite »

Peut-on récupérer l’argent des diffusions en streaming pour une oeuvre qui a été déposée à la SACEM deux ans après sa mise en ligne ?

Lire la suite »

Aujourd’hui, je voudrais évoquer une croyance bien ancrée chez beaucoup de personnes, pas seulement dans la musique d’ailleurs. C’est une idée qui me fait hurler

Lire la suite »