Est-ce qu’on touche des droits voisins avec l’argent du streaming ?

On entend souvent dire qu'un artiste ou un label a "touché des droits" pour dire qu'il a perçu de l'argent. Ce raccourci de langage cache en réalité une grande confusion.
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Je suis Jennifer ESKIDJIAN
Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

Je reçois souvent des questions intéressantes par mail ou dans les commentaires d’articles.

Alors, je me suis dit que ça pourrait être utile que les réponses soient partagées.

Voici donc une série d’articles dans un format “Questions/Réponses“.

 

Retrouve les autres articles de la série ici : De Vive Voix, je réponds à vos Questions

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Aujourd’hui, c’est David qui me pose cette question (que j’ai un peu modifiée) :

Quand un artiste ou un label reçoit de l’argent via son distributeur pour le streaming d’une chanson, est-ce que cet argent correspond à des droits voisins ? Parce que je touche déjà mes droits voisins via les organismes de gestion collective (pour les diffusions en radio ou la rémunération équitable par exemple), alors l’argent du streaming, c’est autre chose ?

 

 

Je pose rapidement le contexte de la question de David :

Dans un commentaire sous un article du blog, j’expliquais que dans la musique, il y avait :

d’un côté les modes d’exploitation gérés en direct par les labels (ventes de supports physiques, streaming, synchro, etc) : donc c’est eux qui donnent les autorisations et récupèrent l’argent directement.

d’un autre côté les modes d’exploitation gérés par les organismes de gestion collective (passages en radio, télé, dans les clubs, lieux publics, etc.)

La question de David est très intéressante car elle met en lumière une confusion fréquente à mon avis, c’est de croire que les droits voisins c’est de l’argent. 

Et je vois souvent cette confusion dans les questions qu’on me pose. 

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Un droit, ce n'est pas de l'argent, c'est... un droit.

L’argent (le pourcentage %) que touche l’artiste et le label sur le streaming ou sur la vente de disques via son distributeur (physique ou numérique) : ils le touchent parce que c’est la rémunération de leurs droits voisins.

Et donc, on en vient toujours – encore et encore – aux fondamentaux.

Qu’est ce qu’un droit voisin ?

C’est le droit d’autoriser l’exploitation de son interprétation (pour l’artiste) ou de son enregistrement/master (pour le producteur), éventuellement contre une rémunération.
Et pourquoi est-ce qu’ils ont ce droit d’autoriser (ou interdire) l’utilisation de leur travail ? Parce qu’ils sont considérés par la loi comme propriétaires de leur travail en quelque sorte. 

J’en parle un peu plus dans ces articles : 
~ Artiste-interprète : Comprendre ses droits pour devenir pro
~ {En Bref} Les droits voisins dans la musique.


Donc : 

Droit Voisin = Droit d’autoriser

Ça signifie que :

Chaque fois que quelqu’un veut enregistrer ou diffuser l’interprétation de l’artiste ou l’enregistrement du producteur : on leur demande leur autorisation.

Et chaque fois que de l’argent est versé à l’artiste et au producteur pour la diffusion autorisée de leur travail (que ce soit via le streaming, la vente de CD, la synchro, la sonorisation d’évènement, diffusion en radio ou de toute autre façon) = il s’agit de la rémunération de leurs droits voisins, c’est-à-dire la rémunération de leur droit d’autoriser l’exploitation de leur travail et de toucher de l’argent grâce à ça.

Un abus de langage

Je crois que la confusion vient du fait que par raccourci ou abus de langage je ne sais pas comment dire, on dit : “il a touché ses droits” – comme si les droits voisins (ou les droits d’auteur) étaient la rémunération.

Or, ce n’est pas exact. Et à mon sens, la confusion vient de là. 

Pour un artiste-interprète, ses droits voisins =  c’est son DROIT d’autoriser (ou d’interdire) l’utilisation de son interprétation (parce qu’il est considéré comme propriétaire de son interprétation).

Pour un producteur phonographique, ses droits voisins = c’est son DROIT d’autoriser (ou d’interdire) l’utilisation de son enregistrement/master (parce qu’il est considéré comme propriétaire du master, de l’enregistrement initial).

De la même manière pour un auteur-compositeur, ses droits d’auteur = c’est son DROIT d’autoriser (ou d’interdire) l’utilisation de sa composition ou ses paroles (parce qu’il est considéré comme propriétaire de la musique qu’il a composé ou des paroles qu’il a écrites).

Donc :

Un Droit est…un Droit.

 Et c’est SUR LA BASE DE CE DROIT, que l’auteur-compositeur, l’artiste-interprète ou encore le producteur peuvent recevoir une rémunération

Donc au lieu de dire “il ou elle a touché ses droits“, on devrait plutôt dire : “il ou elle a touché l’argent qui rémunère ses droits voisins (ou droits d’auteur)” ou “l’argent de ses droits voisins“, plutôt quelque chose comme ça dans l’idée. 

Différentes façons de gérer ces droits

Ensuite, juridiquement, en fonction du contexte et des modes d’exploitation, ces droits vont fonctionner différemment.

Par exemple, dans le cas de la Rémunération équitable dont parle David :  l’artiste et le producteur voient leur droit d’autoriser l’utilisation de leur travail restreint, limité. Pourquoi ? Parce qu’ils ne peuvent plus interdire l’exploitation de leur enregistrement une fois qu’il est commercialisé. Par conséquent, leurs droits voisins sont limités en quelque sorte : d’où la compensation prévue par la loi,la Rémunération équitable.
C’est la même chose pour la Copie privée.

Pour celles et ceux qui sont perdu·es, voici le lien pour lire les articles sur ces 2 modes de rémunération très importants dans la musique:
Rémunération équitable, une source de revenus inconnue des artistes
L’argent de la Copie privée

Et puis en fonction des modes d’exploitation, ces droits voisins vont également être gérés différemment : par exemple, l’argent du streaming est géré en direct par les labels (et leur distributeur), l’argent des diffusions radio via la gestion collective, etc. Et là on touche à la grande distinction entre gestion individuelle et gestion collective qui est au coeur du  cours en ligne Accord Parfait

Mais ce sont toujours les droits voisins.

Voilà ce que j’ai répondu rapidement à David. 
En espérant que ça t’éclaire aussi un peu.

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Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN
Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN

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