Comment et Pourquoi protéger ton Nom de Scène ? (Partie 3)

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Je suis Jennifer ESKIDJIAN
Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

Dernière partie consacrée à ce sujet TRÈS important : la protection du nom de scène.

Je rappelle que pour explorer ce sujet CAPITAL du choix et de la protection du nom de scène, j’ai décidé de proposer la contribution de Jérémy Béchet, juriste en propriété intellectuelle qui a proposé un travail remarquable de synthèse et de simplification d’un sujet assez complexe. Merci pour sa précieuse contribution !

Dans la 1ère Partie Jérémy nous a expliqué à quoi sert un nom de scène et comment bien le choisir.

Dans la 2ème Partie il nous a présenté 2 mécanismes juridiques qui permettent de protéger et gérer ce nom :

  • le système des droits d’auteur si le projet est porté par une seule personne
  • la dénomination collective et le régime de l’indivision si le projet est porté par un groupe

Dans cette 3ème et dernière Partie, nous allons évoquer 2 autres OUTILS JURIDIQUES qui permettent de protéger ses droits sur son Nom de scène ou la Dénomination collective de son groupe : La MARQUE et ce qu’on appelle la RESPONSABILITÉ CIVILE.

NB : Je n’ai pas touché au fond et au contenu de l’article rédigé par Jérémy. J’ai juste modifié la structure de certains passages pour adapter le texte d’origine aux formats de mes articles en ligne.

[Dernière Mise à jour : Mai 2021]

Protection du nom grâce à la MARQUE

La marque est souvent un terme que l’on emploie un peu à tort et à travers.

C’est avant tout un outil « commercial ». Elle n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre du « Business ».

L’objectif principal de la marque est d’identifier de quelle entreprise provient un produit ou un service et de permettre de DISTINGUER, sans confusion possible, ces produits et services par rapport à ceux proposés par une autre entreprise concurrente.

La Marque = un Titre de propriété

Plus concrètement, une marque est un titre de propriété qui donne à celui qui en est propriétaire un MONOPOLE D’EXPLOITATION.

Un monopole d’exploitation

Ce titre de propriété s’acquiert, pour le territoire français, auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) par le biais d’une procédure d’enregistrement :

PAS DE MARQUE SANS ENREGISTREMENT VALIDÉ PAR L’INPI.

Il existe également le titre de propriété au niveau européen, qui s’acquiert auprès de l’EUIPO.

Le MONOPOLE est donc limité à un certain territoire (France, UE…), mais aussi à certains produits et services.

On ne peut PAS déposer une marque pour tous les produits et services existants. Il faut choisir.

En général, la marque couvrira les produits et services commercialisés par le titulaire, donc elle sera rattachée à son activité.

Par exemple : la marque « CELIO » est déposée en France pour des vêtements, pour du cuir, pour des chaussures. Une autre marque « MEUBLES CELIO » est déposée pour des meubles, des miroirs.

Ces deux marques n’appartiennent pas au même titulaire mais elles peuvent sans aucun soucis coexister puisqu’elles ne couvrent pas les mêmes produits et services.

Le monopole est donc limité.

Les limites de ce monopole

Les seules exceptions à cela : les marque notoires (signe non enregistré auprès de l’INPI) et les marques de renommée (signe enregistré).

Comme leur nom l’indique, ces marques couvrent TOUS les produits et services du monde, car elles sont EXTRÊMEMENT CONNUES du grand public.

Ce sera le cas de Coca-Cola, McDonald’s, RedBull, Audi, Nutella…

Il ne t’est donc pas possible de choisir ton nom de groupe par rapport à une marque extrêmement connue (Je te renvoie à la Partie 1 à ce sujet).

À quoi sert le monopole ?

Le monopole sur une marque permet donc d’interdire les autres d’utiliser un signe identique ou similaire pour des produits et services identiques ou similaires.

Attention : Tout ne peut pas être déposé à titre de marque. Je t’invite à consulter le site de l’INPI pour en savoir plus : https://www.inpi.fr/fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/la-marque

La question qui se pose désormais :

Est-ce qu’une MARQUE est vraiment adaptée à la protection d’un NOM DE SCÈNE ?

Lorsque ton public achète un vêtement avec le nom de ton groupe dessus, est-ce qu’il achète parce qu’il est intéressé par le fabricant du vêtement (provenance du tissu, qualité…) ou parce que ton nom de scène est dessus ?

À mon sens, c’est la deuxième affirmation qui s’applique ! On achète du « merch » de l’artiste car le nom du groupe est dessus mais pas pour la qualité du produit ou pour l’entreprise qui le fabrique.

En d’autres termes, en achetant du « merch », c’est le nom de groupe en tant que PROJET ARTISTIQUE qui les intéresse et non en tant que MARQUE (de vêtements, de bijoux…).

Le dépôt d’une marque pour un nom de scène doit donc être relativisé !

Il n’est absolument pas obligatoire.

Ce n’est pas obligatoire, mais c’est tout de même très largement pratiqué dans le monde de la musique et ce, probablement sous l’impulsion des labels qui, en déposant le nom en tant que « marque » peuvent en devenir propriétaires.

Qui peut déposer la marque ?

On constate que c’est souvent la société de production phonographique (le label) qui va être propriétaire de la marque (soit en la déposant directement, soit en devenant propriétaire suite à une cession).

Si ce n’est pas le label, alors le dépôt sera généralement réalisé par les « membres principaux » du groupe qui vont déposer la marque en copropriété. Le régime de l’INDIVISION dont on a parlé dans la 2ème Partie s’appliquera également sur la marque.

Pour les mêmes raisons évoquées dans la 2ème Partie pour la dénomination collective, un règlement d’indivision ou règlement de copropriété sur la marque devra être conclu pour organiser l’exploitation de la marque et aussi les conséquences en cas de split, décès d’un des membres co-propriétaires…

Dans quelles classes de produit et services déposer ?

On rencontre souvent les classes liées :

  • À l’enregistrement sonore : appareils d’enregistrement, CD, mixage, DVD…
  • Au merchandising (vêtements, chaussures, casquettes, chapeaux, accessoires, bijoux, pins, jeux, jouets, livres…
  • À la communication : publicité, flyers, communication sur les réseaux sociaux…
  • Aux concerts : divertissement, l’organisation de spectacle…

Important : Si la marque n’est pas utilisée pendant une période de plus de 5 ans consécutifs (à compter du jour du dépôt), la marque est susceptible de déchéance. Ça veut dire que pour la classe de produits et services non réellement exploitées, elle retomberait dans le « domaine public » et quelqu’un d’autre pourrait l’utiliser..

Auprès de qui on dépose ?

Pour une marque française (INPI) : https://www.inpi.fr/fr/services-et-prestations/depot-de-marque-en-ligne

Pour une marque de l’Union Européenne (EUIPO) : https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr

ATTENTION : le dépôt d’une marque n’est pas une simple démarche administrative. C’est un mécanisme qui a des conséquences juridiques importantes. Cela nécessite d’être accompagné soit d’un conseil en propriété industrielle, soit d’un avocat spécialisé.

Protection par la Responsabilité Civile

Comment faire quand on ne peut PAS protéger son nom de scène ni par le droit d’auteur (car il n’est pas assez original par exemple) ni par une marque (après un refus d’enregistrement par exemple) ?

C’est le cas notamment aussi dans le cas de la dénomination collective comme on l’a vu dans la 2ème partie. En effet, la dénomination collective (qui est régie par le système de l’indivision on l’a vu) n’est PAS protégée par le système des droits d’auteur ? Alors, comment faire si quelqu’un utilise le nom du groupe sans son autorisation ?

Est-ce qu’on reste sans protection ?

Eh bien non ! Il faut toujours revenir aux fondements du droit.

Or, en France, il existe ce qu’on appelle le principe de « responsabilité civile ». C’est est en quelque sorte une protection « générale » applicable dans tous les cas.

Et ce principe est TRÈS simple :

Si tu causes un dommage à quelqu’un, tu dois le réparer. Si quelqu’un te cause au dommage, il doit le réparer.

Voilà, tu viens de faire connaissance avec un des principes les plus importants du droit français !

Il s’agit un peu de la « roue de secours ». Dans notre cas, on revient à cette règle juridique lorsque quelqu’un s’attaque à ton nom de scène mais que les autres droits plus spécifiques dont on a parlé ne te sont pas ouverts.

Pour pouvoir utiliser cette règle, il sera nécessaire de démontrer :

  • Une faute (une action volontaire de la part de l’autre personne)
  • Un dommage, un préjudice (perte d’argent, atteinte à la réputation…)
  • Un lien de causalité entre la faute et le préjudice : Le préjudice subi doit être causé par la faute en question.

Si tu es mesure de démontrer cela, alors tu pourras demander à la personne qui t’a attaqué :

  • De cesser immédiatement l’atteinte qu’elle te porte ;
  • De réparer le préjudice causé : en général la réparation prend la forme de dommages-intérêts.

Une question de preuve

Les différents droits dont tu peux bénéficier sur le nom de scène ou la dénomination collective mènent généralement vers les mêmes solutions :

  • le droit de demander à la personne qui utiliserait ton nom sans ton autorisation d’arrêter immédiatement de le faire ;
  • le droit d’obtenir une réparation (financière) pour le préjudice qui a été causé par cette utilisation non autorisée.

Qu’on passe par le système des droits d’auteur, de la marque ou de la responsabilité civile, on arrivera en principe aux mêmes solutions.

Quelle est la différence alors ?

La différence entre ces droits va se trouver sur le terrain de la preuve.

« Avoir » une marque ou un droit d’auteur te permettra plus facilement d’obtenir gain de cause devant un juge CAR ici on parle d’atteinte à ton MONOPOLE (ton droit de propriété intellectuelle).

En revanche, agir sur avec le fondement de la responsabilité civile pourra être plus compliqué (mais pas impossible surtout si l’atteinte est flagrante !) car il faudra rapporter davantage de preuves pour convaincre le juge.

La question ici est celle de savoir si l’atteinte à ton nom de scène cause un trouble commercial et une distorsion de la concurrence.

CONCLUSION sur la Protection du Nom de Scène

Voilà, on arrive à la fin de cette série d’articles sur la protection du Nom de Scène.

Un GRAND MERCI et BRAVO à Jérémy Béchet pour sa précieuse contribution. Déjà, le sujet n’est pas simple, mais en plus devoir le simplifier pour l’expliquer à des non-juristes est un exercice TRÈS difficile ! Merci à lui de contribuer à rendre les principes juridiques fondamentaux accessibles au plus grand nombre, et en particulier accessibles à tous les professionnels de la musique.

Pour résumer, je te rappelle que :

  • Dans la première partie, Jérémy a expliqué l’intérêt de bien choisir un nom de scène et l’importance de le protéger.
  • Dans la deuxième partie et dans celle-ci, il nous a présenté les mécanismes de protection qui existent en droit français : le système des droits d’auteur, le droit des marques et la responsabilité civile.

N’oublie pas que dans toutes tes démarches concernant ton Nom de scène ou la Dénomination collective de ton groupe, tu as la possibilité de te faire accompagner et demander conseils auprès de cabinets d’avocats spécialisés notamment en “propriété intellectuelle”, “droit des marques” ou “propriété industrielle”.

Je ne peux que te recommander d’investir SURTOUT SI tu commences à te développer, que ton projet prend de l’ampleur et surtout si vous êtes plusieurs personnes dans le groupe.

Si tu as des questions ou que tu veux partager ton expérience : laisse un message dans les commentaires juste en-dessous

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Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN
Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN

Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
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