Comment et Pourquoi protéger ton Nom de Scène ? (Partie 1)

Nous explorons ce sujet capital du choix et de la protection du Nom de Scène avec Jérémy Béchet, juriste spécialisé en droit des marques
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Je suis Jennifer ESKIDJIAN
Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

 

Pour explorer ce sujet CAPITAL du choix et de la protection du Nom de Scène, j’ai décidé de proposer la contribution de Jérémy Béchet, juriste en propriété intellectuelle.

 

Jérémy (qui est également musicien!) fait partie de cette génération de juristes qui a à coeur de démocratiser la compréhension du droit, et qui veut participer au partage des connaissances juridiques, notamment auprès des artistes. Alors, naturellement, j’ai trouvé que cet élan entrait en parfaite résonance avec la vocation pédagogique du site. Et c’est pour cela que j’ai accepté de publier sa contribution !

 

NB : Je n’ai pas touché au fond et au contenu de l’article rédigé par Jérémy. J’ai juste modifié la structure de certains passages pour adapter le texte d’origine aux formats de mes articles en ligne.

[ Dernière mise à jour : Janvier 2021 ]

 

Je laisse donc la parole à Jérémy.

 

 

À quoi sert ton Nom de scène ?

Le but principal de ton nom de scène permet de DISTINGUER ton projet artistique parmi d’autres.

Il est le LIEN entre le contenu de ton projet artistique et ton public.

Reconnaître ton projet

Si on pousse un peu la réflexion, ton nom de scène permet à ton public :

(1) de mieux pouvoir identifier ton projet artistique dans toute la masse de contenus et d’informations disponible ;

(2) de facilement « acheter » ce que tu as à lui proposer : acheter ton nouvel album dans les bacs, t’écouter en streaming sur les plateformes, aller à l’un de tes concerts, acheter ton merchandising ;

(3) de suivre facilement la promotion autour de ton projet, que ce soit sur les réseaux sociaux, à la radio, dans des émissions TV…

Un signe distinctif qui vaut de l’argent

Ce pouvoir qui est attaché à ton nom de scène lui donne une VALEUR ÉCONOMIQUE.

Cette valeur vient du fait que ton nom de scène va attirer un public, et donc une clientèle.

Juridiquement, on dit que ton nom de scène est un SIGNE DISTINCTIF.

C’est-à-dire le signe qui permet d’attirer une véritable clientèle.

Une clientèle, ça a de la valeur !

Tout l’enjeu est donc de PROTÉGER efficacement ce nom de scène et indirectement sa valeur économique.

Au-delà des outils juridiques que nous verrons par la suite (Partie 2), la première des protections pratico-pratique est toute simple : faire attention de pas choisir un nom qui peut être associé à une autre entreprise ou à une autre personne !

Éviter le risque de confusion

Voyons un exemple.

Un groupe de métal prend pour nom de scène « Rock Red Bull ». Il débarque sur la scène d’un gros festival de métalleux. Il y a de fortes chances pour que certains membres du public se disent : « Ah mais attends, c’est peut-être la société Red Bull qui a sponsorisé ce groupe et qu’il y a un lien entre eux. C’est une sorte de coup de com’ derrière tout ça ! ».

Donc, dans la tête du public, il va y avoir un RISQUE DE CONFUSION et une mauvaise association d’idées.

Pourquoi c’est embêtant ?

  • Parce que Red Bull ne va certainement pas accepter que tu profites injustement (et surtout, gratuitement) de la notoriété de sa marque. Si la marque a un fort potentiel d’attraction, le public va associer le nom de ton groupe avec le “prestige” de la marque. Sauf qu’il faut comprendre que les grandes marques comme Red Bull ou autres, veulent garder le contrôle EXCLUSIF de leur marque. L’entreprise va payer d’énormes sommes d’argent pour assurer une surveillance mondiale pour éviter justement ce genre de cas. Donc si jamais, ils te voient utiliser leur nom : ça va te coûter TRÈS cher en frais d’avocats et de procédures !!
  • Parce que, dans le sens inverse, si une certaine partie du public a un préjugé négatif par rapport à la marque, tu vas injustement pâtir de cette confusion.

Comment choisir un bon Nom de scène ?

Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question.

Une fois de plus, il faut garder à l’idée que ton nom de scène c’est le LIEN entre ton public et ton projet artistique. Comme pour n’importe quel lien, pour facilement le retrouver, il faut qu’il soit facilement trouvable, notamment sur les moteurs de recherche (Google et autres).

Forcément, si tu utilises un nom un peu trop commun, tu as de fortes chances pour ne jamais sortir du lot.

Quelques conseils dans tes choix :

Tu peux choisir :

Soit quelque chose qui n’existe pas du tout ou qui n’est pas facilement identifiable par un grand nombre de personnes (un nom fantaisiste inventé de toutes pièces, ou encore des termes issus d’une langue étrangère peu connu du public que tu vises, ou un anagramme) ;

Soit une association de mots / chiffres qui existent (nom commun, jeux de mots par exemple) et :

– qui sont complétement étrangers au secteur musical (les exemples ne manquent pas : « TELEPHONE », « U2 » (traduction : Toi aussi) « The Beatles » (traduction : Les Scarabées), « The Police » (traduction : La Police), « Simple Minds » (traduction : Les Esprits simples) …)  ou

– qui font preuve d’un certain décalage lorsqu’on le met dans le contexte musical (ex : « The Rolling Stones (traduction : Les Pierres Roulantes)» ; « Louise Attaque » ; « Red Hot Chili Peppers » (traduction : Les piments rouges épicés)…) ;

Soit tes propres noms et prénoms ;

Soit un pseudonyme (ex: « Johnny HALLYDAY » ; « Marylin MANSON » ; « Elton JOHN »).

 

Nous n’avons parlé ici que des éléments verbaux de ton nom de scène.

Mais, tu peux bien sûr lui ajouter un visuel aussi. Les limites seront les mêmes, on en reparle juste après.

 

Il faut bien comprendre que plus ton signe va être complexe (par ex : nom inventé + visuel original), plus il sera FORT et DISTINCTIF. Et plus tu pourras le protéger facilement.

 

Quelles sont les limites dans ton choix ?

Bien que les choix ne manquent pas, il faut impérativement ne pas tomber dans certaines mauvaises pratiques :

Les marques du secteur musical

Évite les marques qui sont enregistrées à l’INPI et qui ont un rapport quelconque avec le secteur musical. Et tout ce qui gravite autour.

Il va donc s’agir de marques qui sont déposées auprès de l’INPI dans des catégories telles que les :  

– Partitions, livre de musiques, albums, affiches ;

– Vêtements et plus généralement tout produit dérivé sur lequel tu souhaiterais un jour voir ton nom de scène gravé ;

– Composition de musique, concerts, enregistrement de musique, fourniture de musique en streaming ;

Remarque importante sur le terme « marque »

La marque c’est un droit de propriété exclusif donné à son propriétaire pour désigner des produits et services. Toujours dans un territoire donné.

On dit que les marques sont « spécialisées » et « territoriales ».

A moins que la marque ne soit trop connue de tous (ex : Coca Cola, Disney), tu peux utiliser une marque enregistrée pour des catégories (on parle de “classes de produits et services“) qui sont en dehors du domaine de l’industrie de la musique. Ou alors, des marques qui ont été déposées dans d’autres territoires, dans lesquels tu ne comptes pas avoir d’activité.

(Attention : la distribution de musique en ligne dépasse les frontières).

Les marques notoires

Évite les marques « notoires » et les marques de « renommée ». Ce sont les marques qui sont trop connues, peu importe qu’elles interviennent dans le secteur de la musique ou non (ex : « Nike », « Lego », « Mercedes », « Playstation »…)

Le fait que les marques soient tellement connues du grand public c’est déjà une raison pour ne pas les utiliser car on ne te distinguera jamais ! On t’associera nécessairement à la marque en question.

Noms et prénoms

Évite les noms et prénoms de personnes qui ne font pas partie de ton projet artistique ; A MOINS QUE le nom choisi soit un pseudonyme / anagramme. Ainsi, tu éviteras toute problématique d’usurpation d’identité.

Ordre Public

Évite les noms/signes qui sont contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, c’est à dire insultants, dénigrants, racistes, provocants…

Pour ne pas tomber dans l’un des cas ci-dessus, il va falloir faire des RECHERCHES. Et, se creuser un peu la tête !

Comment rechercher ?

Google ou tout autre moteur de recherche

Le premier réflexe logique est de taper le nom que tu souhaites et voir ce qui en ressort.

Plus ton nom est banal, plus les résultats de la recherche vont être nombreux. Il faudra alors prendre un peu de temps pour vérifier que les résultats qui ressortent n’ont rien à voir avec le domaine de la musique (pas la peine de faire toutes les pages, je te rassure!).

Les résultats sont classés dans un certain ordre qui généralement vient du référencement du site internet en question. Les recherches de la première page sont mieux référencées et donc plus « connues » du grand public.

Remarque importante : N’hésite pas aussi à taper des noms ressemblants à celui que tu veux choisir mais aussi à rechercher des noms qui varient d’une lettre ou deux !

Les bases de données des marques

Tu peux aussi vérifier manuellement que le nom que tu veux choisir n’est pas déposé à titre de “marque” auprès de l’INPI : l’Institut National de la Propriété Industrielle.

N’oublie pas, la marque c’est un vrai droit de propriété. Ça veut dire que le nom et/ou le visuel qui sont déposés appartiennent à leur propriétaire.

Mais, la spécificité de ce droit est qu’il est valable uniquement pour les “catégories” qui ont été réservées (les fameuses “classes de produits/services”), ET dans un territoire donné (sauf cas de la marque hyper connue qui n’a pas de limites).

Ex : une marque française enregistrée à l’INPI n’a des effets qu’en France. Une marque européenne enregistrée auprès de l’EUIPO a des effets dans tous les pays de l’Union Européenne.

Pour vérifier les marques françaises, rendez-vous sur la « Base de données MARQUES » à l’adresse :

https://bases-marques.inpi.fr/

Pour vérifier les marques européennes, rendez-vous sur « TM VIEW » à l’adresse :

https://www.tmdn.org/tmview/#/tmview

Même remarque importante : N’hésite pas à taper des noms ressemblants à celui que tu veux choisir mais aussi à rechercher des noms qui varient d’une lettre ou deux !

Les bases de noms de domaine

Le nom de domaine, c’est ce qui permet d’identifier un site web (ex : <droit-de-la-musique.com>).

Le nom de domaine, c’est une sorte d’enseigne en ligne.

Le titulaire d’un nom de domaine n’a pas de droit de propriété dessus (au contraire de la marque). Néanmoins, il peut se protéger grâce à certaines actions en justice comme l’action en concurrence déloyale ou le parasitisme (On en reparle un peu plus tard).

Pour cette raison, il faut vérifier que le signe que tu choisis ne porte pas atteinte à un nom de domaine.

Mais ne t’inquiète pas, tu ne porteras pas atteinte à un nom de domaine si le site web en question fait référence à des activités qui sont complétement déconnectées de l’industrie de la musique.

Pour effectuer tes recherches, rendez-vous sur le WHOIS :

http://www.whois-raynette.fr/

Un nom de domaine, ça s’achète, et c’est la règle du « premier arrivé, premier servi » qui s’applique.

Donc pour faire simple, si le nom que tu tapes est disponible à l’achat, c’est que personne ne l’a encore réservé.

Remarques sur les noms de domaine :

  • Comme pour les marques et les recherches Google, n’hésite pas aussi à taper des noms ressemblants à celui que tu veux choisir, mais aussi à rechercher des noms qui varient d’une lettre (d’un caractère) ou deux !
  • Mais aussi, il ne faut pas oublier de vérifier plusieurs extensions. Les plus courantes sont le <.com>, le <.net>, le <.fr>, le <.eu>, le <.org>. Tu peux le faire directement avec le lien au-dessus (voir l’exemple ci-dessous avec le nom « Voyou »)

Un exemple :

Imaginons que tu choisisses « Voyou » comme nom de scène. Tu vas le taper dans l’Assistant de recherche et sélectionner les extensions les plus courantes :

Le résultat obtenu est le suivant :

Comme tu le vois, toutes les extensions sont réservées (« État : Domaine déjà pris »). Il va falloir vérifier que chacun des sites en question n’intervient pas dans le secteur de l’industrie de la musique.

Si ce n’est pas le cas, c’est déjà une bonne nouvelle.

Par contre, le petit problème c’est que tu ne pourras pas avoir TON nom de domaine « Voyou.xxx » pour présenter ton groupe, ton projet. Et ça peut être embêtant.

Tu pourras éventuellement utiliser des variantes du style « Voyou-official.xxx » ; « Voyou-le-groupe.xxx » mais tu comprends que c’est n’est pas toujours l’idéal !

 

Et après ?

Je tiens à te préciser que tu dois mener toutes ces recherches en parallèle les unes des autres.

Bien évidemment, si tout va bien et qu’il n’y a personne qui utilise le nom d’une quelconque façon que ce soit, c’est tant mieux.

Mais dans la plupart des cas, il y aura des homonymes. La question sera ensuite d’interpréter tes recherches pour être sûr de pouvoir coexister paisiblement avec les autres titulaires de noms similaires !

En fonction de la complexité des résultats et des cas, de nombreux artistes et entrepreneurs décident de se faire conseiller par un juriste / un avocat spécialisé en propriété intellectuelle.

 

 

Ca y est ? Tu as ton nom de scène et/ou ton visuel ?

Puisque ce “signe distinctif”, comme on l’a dit, a vocation à prendre de la valeur avec l’évolution du projet artistique auquel il est rattaché, il faut alors chercher à le PROTÉGER mais cette fois-ci à l’aide d’outils juridiques.

C’est ce qu’on voit dans la DEUXIÈME PARTIE de l’article : Comment et Pourquoi protéger son Nom de Scène ? (Partie 2)

 

Merci pour cette contribution !

Merci chaleureusement à Jérémy pour cette contribution.

Si tu souhaites le contacter, voici l’adresse du profil Linkedin de Jérémy Béchet.

Tu peux également aller regarder, toujours sur Linkedin, l’infographie qu’il a réalisée sur la protection des Créations Intellectuelles. Et aussi celle sur le fonctionnement de l’écosystème de la musique : l’exercice est périlleux, vu la complexité du système, mais pour une première tentative, c’est pas mal du tout !!

 

 

Si tu as des questions ou que tu veux apporter ton propre témoignage, n’hésite surtout pas à les partager dans l’espace commentaires juste en-dessous. 👇

Et si l’article t’a été utile, tu peux nous le faire savoir en cliquant sur le 💛 Merci !

 

Lien vers la Deuxième Partie : Comment et Pourquoi protéger son Nom de Scène ? (Partie 2)

 

Pour aller plus loin :

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Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN
Article rédigé par Jennifer ESKIDJIAN

Juriste ~ Formatrice en Droit de la Musique
Fondatrice du site à ContreTemps

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Les commentaires

2 réponses

  1. Bonjour Jennifer,

    Tout d’abord “Bonne année 2021 au top”.

    Merci pour cet article très pertinent.

    Pour ma part, j’ai pris comme nom d’artiste le nom de mon arrière grand mère “Eskélis”.
    Puis je suis passé par un cabinet d’avocats en ligne pour l’enregistrement à l’INPI.
    Coût environs 300€, enregistrement plus les classes pour le merchandig de produits dérivés.
    Cela à demandé pratiquement trois mois pour l’enregistrement définitif après les recherches.
    Je conseille de ne pas le faire sois même, car on peux faire des erreurs qui peuvent un jour coûter
    très cher. Chacun son métier. De mon côté, je suis dans la certitude et c’est top.

    Eskélis.

    1. Merci Patrick de partager ton expérience ! Et pour les précieuses informations complémentaires que tu apportes (comme d’habitude!).
      Oui, la protection d’une marque, d’un nom, est un travail minutieux et rigoureux qu’il vaut mieux parfois confier à des spécialistes.

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