Je reçois souvent des questions intéressantes par mail.
Alors, je me suis dit que ça pourrait être utile que les réponses soient partagées.
Voici donc une série d’articles dans un format “Questions/Réponses“.
Retrouve les autres articles de la série ici : De Vive Voix, je réponds à vos Questions
Tu peux aussi écouter l’article en version audio :
Aujourd’hui, c’est Hugo qui me pose cette question :
Si je suis un artiste autoproduit et que je m’enregistre seul avec mon label, est-ce que je dois me payer moi-même en cachet ?
Si on pousse un peu cette question, elle peut devenir très complexe mais je n’ai pas envie de rentrer dans trop de détails.
Je vais donc essayer de répondre le plus simplement possible à Hugo.
Néanmoins, si vous avez des informations complémentaires à apporter ou un témoignage, n’hésitez surtout pas à les partager à fin de l’article dans l’espace commentaire !
Comprendre le principe du lien de subordination
Déjà. Pour qu’on soit bien d’accord :
Hugo parle de “cachet”. Et un cachet c’est quoi ? C’est un salaire.
OK avec ça ?
Et salaire = un employeur + un salarié.
C’est une relation de travail, qui se caractérise par ce qu’on appelle en droit français :
LE LIEN DE SUBORDINATION.
Comme son nom l’indique, ça veut dire que le salarié est subordonné c’est-à-dire soumis aux règles de l’employeur.
C’est l’employeur qui fixe le cadre et les missions ; tandis que le salarié reçoit une rémunération en échange de son travail.
Quelles sont les conséquences de ce lien de subordination (et en quoi ça nous intéresse dans la musique) ?
Quand il y a lien de subordination (donc contrat de travail, donc salaire), alors on doit cotiser pour l’assurance-chômage. Pour que, si le salarié se retrouve sans emploi, il puisse obtenir un soutien financier.
Pour les artistes, le chômage, ça s’appelle l’intermittence du spectacle.
Ça veut donc dire que :
Lorsque quelqu’un embauche un musicien pour une session d’enregistrement ou pour jouer sur scène, alors se crée un lien de subordination.
Conséquence ?
Le musicien doit respecter le cadre proposé par l’employeur qui lui-même doit respecter le droit du travail. Donc : obligation de signer un contrat d’engagement, de payer un salaire ET DONC de cotiser pour l’intermittence du spectacle.
Donc la question d’Hugo est très importante SI en tant qu’artiste il veut bénéficier de l’intermittence du spectacle.
Est-ce que c’est le cas ?
Si la réponse d’Hugo est oui, alors ça va être compliqué.
Parce que : est-ce qu’il existe un lien de subordination entre l’artiste… et lui-même lorsqu’il enregistre ?
Vaste question à laquelle le Pôle Emploi Spectacles – qui gère le chômage des artistes (l’intermittence du spectacle) – répond la plupart du temps : NON. On ne peut pas être employeur et salarié en même temps.
Donc Hugo ne peut pas se faire de cachets “à lui-même”. Donc ses heures d’enregistrement ne peuvent pas être comptabilisées pour les heures d’intermittence.
Mais en réalité ça va dépendre de la structure juridique du label.
Parce que Hugo dit “je m’enregistre seul avec mon label” .
Oui mais c’est quoi son label ?
S’il exerce en tant qu’auto-entrepreneur, alors la question des “cachets / salaires” ne se posent pas pour les raisons que je viens d’évoquer plus haut. Et à mon avis, Hugo est dans cette situation, il est en auto-entreprise.
Dans ce cas, c’est un entrepreneur individuel qui travaille à son compte, tout seul. Il n’est pas salarié, il n’est pas soumis au droit du travail.
Donc pour répondre à sa question : non seulement il ne “doit” pas se payer en cachet (puisque c’était sa question) mais ça lui est surtout interdit. Il ne pourra donc pas bénéficier du chômage, c’est-à-dire de l’intermittence du spectacle.
Mais si Hugo avait créé une association avec d’autres personnes ou qu’il était dirigeant d’une société commerciale (comme une SARL ou SAS), alors – sous certaines conditions – il pourrait être salarié de sa propre entreprise.
Et là, ça devient un peu plus complexe et je ne vais aller plus loin sur ce terrain. Je ne suis pas experte-comptable spécialisée des questions de compatibilité de statuts. Donc je n’ai pas envie d’affirmer des vérités absolues sur ces questions qui sont délicates, complexes, voire même non encore résolues par les administrations (qui sont parfois même pas d’accord entre elles).
Voilà, je m’arrête là pour la question d’Hugo.
J’ai surtout publié l’article pour “ouvrir” la question.
Donc si tu as un témoignage, une remarques, une correction à apporter, n’hésite pas à me les partager dans l’espace commentaires sous l’article.
Et si l’article t’a été utile, tu peux me le faire savoir en cliquant sur le 💛 Merci !
Ressources à consulter
Sur la question délicate de la double casquette gérant de société & intermittent du spectacle : voir la fiche du cabinet comptable Com’Com rédigé en 2021 : Intermittents du spectacle et dirigeant de société : Quelles sont les règles ?
4 réponses
Bonjour, merci pour cet article intéressant !
J’ai une question un peu en lien dont je n’arrive pas à trouver la réponse (je vais devoir appeler les administrations 😆)
Je suis vidéaste auto-entrepreneur et j’ai un ami qui est acteur sous le régime intermittent. Quelles sont les options qui s’offrent à moi si je veux le faire travailler et le rémunérer légalement dans son cadre d’intermittence ? Et si ce n’est pas possible dans ce cadre, par quel moyen pourrais-je le rémunérer ? En sachant que si j’ai bien compris, ayant ce statut il ne pourrait pas se déclarer auto-entrepreneur dans cette même activité..
Je ne sais pas si vous aurez cette réponse mais d’avance merci quand même ☺️
Salut Aurélien,
Pour pouvoir payer un cachet à un artiste (acteur, musicien…) dans le cadre d’un enregistrement il faut que tu sois toi-même l’employeur.
En tant qu’auto-entrepreneur c’est théoriquement possible, mais il va falloir que tu te renseignes auprès de tous les organismes adéquats pour pouvoir t’y affilier et payer les cotisations (urssaf, pole emploi, afdas, congés spectacles…).
À mon avis, si c’est juste pour ce projet et qu’il est question de lui payer 100€, laisse tomber. La galère administrative que tu vas devoir traverser n’en vaut vraiment pas le coup. Par contre, si tu commences à devoir travailler régulièrement avec des artistes, que tu veux travailler dans les clous, alors il va falloir peut-être penser à te structurer en société, et quitter l’auto-entreprise.
Sinon, regarde aussi si, dans le monde de l’audiovisuel, il n’existerait pas des boites de production qui proposent de faire des cachets pour le compte de réalisateurs qui ne seraient pas structurés pour le faire. Je ne connais pas bien le cadre légal de ces mécanismes mais ça doit certainement se faire.
En France aujourd’hui “salarier quelqu’un” est un acte économique et légal important et encadré, donc quasiment inaccessible pour les très petites structures… Et ne pas salarier est illégal…. Et je te confirme ton acteur ne peut pas se faire payer en facture s’il est déjà intermittent…
La seule solution qu’il reste parfois : renoncer. ou le faire quand même, à sa façon.
Voilà Aurélien, désolée de ne pas pouvoir t’aider.
Bonjour Jennifer,
Bravo pour votre site et toute cette mine d’informations.
Dans le cas d’une création d’un label, via une association, ou bien même une association tout court, si l’artiste veut être embauché en tant qu’intermittent, il ne faut surtout pas qu’il fasse partie du bureau. Toi, plutôt être considéré comme un intervenant, être payé par l’association, mais sans avoir de liens de famille, d’adresse, etc.
Bien cordialement,
Nicolas
Bonjour Nicolas !
Merci à toi pour ton message et ton partage.
Effectivement, il n’est pas recommandé à un artiste qui souhaite bénéficier de l’intermittence du spectacle d’être membre du bureau de l’association (donc avec une fonction dirigeante). Parce que dans ce cas, le “lien de subordination” ne sera pas reconnu par le Pôle Emploi Spectacles.