Aujourd’hui je voulais partager quelques réflexions sur un sujet qui occupe beaucoup mes pensées : celui de l’argent.
Comme d’habitude, j’affirme des choses avec beaucoup de conviction et d’aplomb, mais c’est juste une façon de m’exprimer, en réalité je n’en sais rien, je ne déclame aucune vérité, surtout pas sur ce sujet.
Alors n’hésite pas à me partager ton regard dans les commentaires si cet article t’inspire quelque réflexion.
Le mythe de l’artiste maudit
Dans la série des mythes – pourris – qui paralysent, déséquilibrent et perturbent l’économie de la musique, la vie des artistes ET la vie de ceux qui les entourent et les accompagnent, le pire selon moi est certainement celui du tristement fameux :
“Mais moi, j’fais pas ça pour l’argent !”
En somme, le mythe de l’artiste maudit, encore et toujours…
J’ai envie de partager à ce sujet un conseil très simple :
Si tu ne fais pas de la musique pour gagner de l’argent, si c’est juste pour t’amuser, te ressourcer ou t’évader, il n’y a aucun problème et c’est même génial.
Des milliers de musiciennes et musiciens amateurs talentueux font ce choix. Ils privilégient la liberté de jouer où et quand ils veulent, pour leur plaisir uniquement.
Mais sinon :
Arrête de dire que l’ARGENT ne t’intéresse pas alors que tu veux devenir en même temps PROFESSIONNEL !
Oui, je m’adresse ici surtout aux musiciens aux musiciennes, mais ça fonctionne pour tous les entrepreneurs que nous sommes.
J’ai déjà écrit un article sur le sujet ici : Tu fais pas ça pour gagner de l’argent ?? Ah bon ??
On peut polémiquer pendant 3 siècles sur la définition philosophique, économique, éthique, juridique de la différence entre un professionnel et un amateur.
Sauf que là j’ai pas envie de polémiquer.
Ce que j’observe sur le terrain (y compris ce qui se passe pour moi, dans ma tête et dans ma poche), c’est qu’un professionnel est quelqu’un qui gagne de l’argent avec son activité. Point à la ligne.
À un moment donné, c’est pénible de chercher 3 milliards d’excuses pour justifier quelque chose qui n’est pas justifiable.
“Nooon mais tu comprends c’est un pote qui organise un festival, ils ont pas d’argent, donc ils nous demandent de jouer gratos et en échange on peut vendre nos t-shirts…”
Non, je ne comprends pas.
Ou plutôt, je n’ai PLUS ENVIE DE COMPRENDRE.
Si tu n’oses pas demander un cachet à ton ami, c’est très certainement que tu ne te sens pas légitime.
Ou alors quoi ? Tu as peur qu’il ait une “mauvaise opinion” de toi ?
Oui c’est sûr c’est horrible de demander à être payé pour un travail.
C’est ce que les colons s’égosillaient à dire sur les plantations de cotons.
La raison qui se cache derrière le “gratuit”
Attention, je ne dis pas que tu ne peux jamais rien offrir. O·F·F·R·I·R.
Tu peux décider d’offrir exceptionnellement une prestation, un produit, un contenu. Et aujourd’hui, avec Internet notamment, je dirais même que c’est devenu naturel et normal.
Mais offrir un contenu ou même un concert en l’intégrant dans une stratégie de développement sur le long terme, c’est différent de “nooon mais c’est mon pote jpeux PAS lui demander de me payer“.
Dire “Boooon d’accooord… on va jouer gratos…” OU BIEN dire “Écoute, j’accepte de t’offrir le concert en échange de… ou parce que …. ” c’est PAS PAREIL, non ?
► Dans le 1er cas (“je joue gratos”) = TON TRAVAIL N’A AUCUNE VALEUR. AUCUNE. GRATUIT = NUL = ZÉRO. La personne te dit = Je ne paierai pas pour ça. Et toi : tu acceptes.
► Dans le 2eme cas (“j’accepte de t’offrir”) = TON TRAVAIL EST UN CADEAU QUE TU DÉCIDES D’OFFRIR = IL A BEAUCOUP DE VALEUR. La personne te dit = Merci beaucoup, c’est super gentil. Voire elle ajoute (mais c’est pas obligatoire et ce n’est pas forcément ce qui est attendu on est d’accord) : Est-ce que je peux t’offrir quelque chose en échange ? Et toi : tu acceptes parce que ça s’intègre parfaitement dans ta stratégie.
Dans ta stratégie, ce “cadeau” t’apporte quelque chose en échange (MÊME SI TU LE FAIS DE BON COEUR !!!) : construire une communauté (= en récupérant les adresses mails de tout le monde), développer une visibilité (parce qu’un ami blogueur va prendre des photos et publier un article), etc.
Tu vois la différence ?
Bien entendu, ça ne concerne pas que la musique, pas que les artistes, pas que les entrepreneurs.
C’est identique dans tous les corps de métier, y compris pour les avocats et les juristes (surtout d’ailleurs pour les métiers de “conseil” !!). Et si je t’en parle comme ça, c’est que j’ai expérimenté la question sous toutes ses coutures. Je connais bien le sujet du “service gratuit” 🙂
En résumé, ce que mon expérience m’a appris, c’est que :
Ne pas être payé n’est pas un problème en soi, c’est POURQUOI on n’est pas payé qui est important.
Ce qui justifie (soi-disant) parfois qu’un artiste ou un entrepreneur accepte de ne pas être rémunéré, c’est qu’il aime ce qu’il fait.
C’est pourquoi, même si j’en ai déjà parlé dans cet article , je répète souvent qu’il est important de ne pas confondre “aimer ce que l’on fait” et “être payé” pour ce que l’on fait.
Aimer ce que tu fais VS. Gagner de l’argent pour ce que tu fais
Aimer ce que tu fais et gagner de l’argent sont deux choses différentes, deux mondes distincts qui peuvent se rencontrer, mais c’est pas obligé.
Par conséquent, TU PEUX :
- Ne pas aimer ce que tu fais, voire détester ce que tu fais ET gagner de l’argent, voire beaucoup d’argent avec ce que tu fais
- Aimer, adorer ce que tu fais ET ne pas gagner du tout d’argent avec
- Détester ce que tu fais ET ne gagner très peu d’argent avec ce que tu fais
- Adorer ce que tu fais ET gagner beaucoup d’argent
Je suis certaine que pour chacune de ces situations tu as des exemples en tête.
Tu vois bien que ça n’a rien à voir.
Ce sont deux réalités différentes.
Donc, dire que tu peux ne pas être payé parce que tu aimes ce que tu fais est une croyance néfaste pour ta carrière et le développement de ton entreprise.
Parce qu’elle repose sur l’idée qu’il est indécent d’être bien payé pour faire quelque chose qu’on aime. GRRRRR.
Et ça induit une chose encore bien PIRE.
Cette croyance nourrit l’idée qu’il est DONC NORMAL d’être payé – et même grassement – quand on fait un truc… qui nous ennuie, pour parler poliment.
Sérieusement ? C’est ça la logique que tu veux porter et soutenir…?
Bien sûr que ça ne vaut pas que pour les musiciens. Tous ceux qui gravitent autour sont souvent logés à la même enseigne, “comme par hasard”.
Y compris chez les juristes !
Parce qu’on est passionné par la musique, on accepte des conditions de travail minables. Des salaires indécents qu’aucun juriste dans un autre domaine n’accepterait. Les juristes dans la musique, eux, ils acceptent : “Noon, mais tu comprends, j’adore tellement ce que j’fais“.
Non, je ne comprends plus.
Creuse en profondeur un peu plus, et tu verras qu’en fait ça n’a rien à voir avec la passion… C’est juste une excuse.
Tu veux travailler dans la musique, devenir professionnel ? Tu veux gagner de l’argent avec tes activités professionnelles ?
Alors, il va falloir apprendre :
- à connaître et à comprendre ce qu’est vraiment l’argent et comment il fonctionne
- à le respecter pour ce qu ‘il est
- à l’aimer pour ce qu’il te permet d’accomplir et de vivre
- à abandonner tes fausses croyances sur ce qu’il n’est PAS
- à apprendre à en RECEVOIR avec JOIE et sans culpabilité
- et en même temps, à t’en détacher
Je prends conscience aujourd’hui à quel point c’est un travail INDISPENSABLE si tu veux :
- que le DROIT serve TES intérêts
- bien négocier un contrat
- comprendre comment circule l’argent dans la musique et faire en sorte qu’il circule aussi dans tes poches 🙂
- ne pas finir frustré·e et dégouté·e parce que tu n’arrives pas à gagner d’argent
- créer une boite, travailler à ton compte, monter une label, etc.
Oui, tout ça est intimement lié.
Pour finir :
► J’ai écrit un recueil dans lequel je partage mes réflexions autour d’un sujet intimement lié à cet article : Vivre de sa Passion (ou comment arrêter de se prendre la tête avec cette quête !)
► Tiens, un livre aussi que j’ai envie de te recommander : Les artistes ont toujours aimé l’argent, de Judith Benhamou-Huet
J’en profite pour reproduire ici la présentation du livre déjà très instructive ! :
” La société contemporaine considère d’un mauvais œil les Jeff Koons et autres Damien Hirst qui ne cachent pas leur désir de richesse. Pourtant, des artistes ont toujours créé pour devenir prospères et reconnus. Au XXe siècle, Magritte a “fabriqué” en série ses pipes qui n’en étaient pas. Mais, bien avant lui, Cranach fut le peintre fortuné d’une infinité de Lucrèce, de Judith et autres Vénus, qui se ressemblent toutes – en se reproduisant déjà aui XVIe siècle comme des clones. La “Factory” de Rubens, si elle n’était pas franchement rock’n’roll, n’en restait pas moins un lieu de production quasi mécanisé destiné à ce que les toiles du maître d’Anvers envahissent toutes les cours d’Europe. Quant à Courbet, l’homme de L’origine du monde, il comptait bien sur une fine stratégie médiatique pour devenir riche et célèbre. Même Van Gogh, l’archétype de l’artiste maudit, mort pauvre et incompris, avait pour protecteur un des plus grands marchands de tableaux de Paris, autrement dit son frère Théo. Ce livre démontre en treize cas courant à travers l’histoire les idées préconçues sur des artistes qui appartiennent à la posterité – et prouve, au passage, que l’appât du gain n’est pas le privilège de la période actuelle.
Un voyage dans la grande histoire de l’art remplie de toutes petites histoires d’hommes devenus d’immenses artistes.“
4 réponses
Et bien, en ce qui me concerne, l’équilibre est tout trouvé.
Du temps ou je jouais dans un groupe et le jour ou on nous a demandés combien on demandais, cela a été comme une reconnaissance et une fierté de se dire, on nous estime assez bon pour être payés.
Puis en plus, a partir du moment ou vous avez une vie de famille et qu’il faut la nourrir, il est grand temps de devenir responsable, amis ou pas amis, pro ou pas pro.
Et pour terminer sur mon commentaire, que demander de plus professionnellement, même si vos revenus ne sont pas celui d’un ministre, faire le métier dont vous avez la sensation d’être né pour ça et gagner de l’argent avec, quel bonheur.
Un musicien qui ne fait pas payer ses prestations, donne raison aux parents de dire a leurs enfants, qu’être musiciens ce n’est pas un vrai métier.
Merci Jérôme d’avoir partagé ton regard.
Et je trouve que ta dernière phrase est, malheureusement, très juste :
“Un musicien qui ne fait pas payer ses prestations, donne raison aux parents de dire a leurs enfants, qu’être musiciens ce n’est pas un vrai métier.“
Je pense d’avoir déjà fait emntion, mais l’argent est énergie. Tu peux l’attirer à ta guise! Et il est essentiel de le traiter comme une personne à part entière! Concernant jouer gratos, c’est bien dommage! Si tu es geek comme moi, tu te rappelleras sans doute du Joker d’Heath Ledger qui disait : When you’re good at something, never do it for free.
Haha oui merci Bruno !
J’aime bien la phrase de Joker “When you’re good at something, never do it for free” !
La phrase met le doigt sur quelque chose d’hyper intéressant qui est la question de la confiance en soi. Justement, l’enjeu est d’arriver à se considérer assez “bon” pour pouvoir être payé. Une fois que t’as compris ça, tu ne fais plus les choses “gratos” ! C’est précisément parce qu’il te manque cette conviction de “i’m good at something” que souvent tu te laisses dépasser par les demandes des autres.
Mais c’est vrai que c’est difficile quand t’es pris dans ton quotidien d’avoir le recul nécessaire.
La frontière entre le pro et le non-pro, le payant et le gratuit n’est pas toujours évidente à cerner.
Comme toute recherche d’équilibre d’ailleurs.